TERREUR
SUR
L'APOCALYPSE







J'me présente, je m'appelle Marc. Marc Bazorh. 28 ans.

Bazorh, c'est d'origine yougoslave. Ceci dit, moi, deux générations plus tard, je fais à peine la différence entre Monténégro et Monte-Carlo. N'empêche, cet exotisme délavé me colle à la peau. Bazorh, un nom qui m'a valu pas mal de vannes. "Albazorh", "Bazorh le clown", j'en passe et des moins bonnes. En fait, personne m'a jamais appelé par mon prénom. Et puis, avec l'arrivée du verlan... Des fois, rien que pour ça, je me demande si j'aurais pas préféré vivre là bas, à Bihac.

Chercheur. Physique atomique. Un très bon job alimentaire auquel je me suis destiné un jour de contrôle de physique, en 4ème. Il y avait un exercice où il fallait dessiner la ligne d'eau dans différents flacons. Problème, certains flacons étaient inclinés ! Un truc qu'on avait même pas vu en cours ! Alors, piégés par l'impitoyable machine méritocratique, acculés dans les derniers retranchements de l'abstraction mathématique, il nous fallait trouver seuls l'immuable horizontalité du plan d'eau. Bref, là, quand j'ai vu Nathalie Louis à côté de moi dessiner des lignes d'eau obliques, je me suis dit : "Marc, l'humanité a besoin de toi".

J'avais des facilités, mais je n'ai jamais trop assumé. En classe, je faisais semblant de ne pas suivre. L'ambiance était assez potache. On vannait nos mères. Évidemment, moi, "Zorba le Grec", dans la mythologie locale, j'étais le pédé de service. Mes petits camarades se riaient d'hypothétiques combats d'escrime... Connards. De toute façon, au fond de moi, je gardais la certitude de mon intrinsèque supériorité. "Tu gazeras moins dans la queue à l'ANPE".

Bac C en poche, direction la fac. Orsay. Le temps passe vite. DEUG, Licence, Maîtrise, DEA, Thèse. La fuite en avant dans les diplômes typique du frustré. Le sujet de ma thèse, c'est "resynthétisation moléculaire". On aurait pu choisir un intitulé plus explicite, mais personne n'aurait accepté de financer une étude sur la "téléportation".




J'ai grandi devant la télé, captif de l'écran, comme la petite dans Poltergeist.

Au milieu des années 80, ma génération a connu son Congrès de Tours. Après Récré A2, certains restèrent fidèles à Dorothée, d'autres tentèrent l'aventure La*5. Je faisais partie de ces derniers. C'était l'orgie. Des séries incroyables, toute la journée, non-stop. Bon, rétrospectivement, c'était un peu la même chose à chaque épisode. Et puis, les séries étaient pas mal interchangeables aussi. K2000, tu changes la voiture en moto, t'as Tonnerre Mécanique. V, tu changes les lézards en nègres, t'as Shérif Fais-Moi Peur. Mais c'était quand même moins con que les Musclés.

Aujourd'hui encore, entre nous, la césure persiste.
Lui - Ouais, bâh, son appart' il était vide, alors, là, ch'crois qu'il le sous-loue.
Moi - Comme le captain Kirk.
Lui - Hein ?
Encore un polio qui regardait le Club Dorothée.

Star Trek. A l'époque, je regarde ça serein. "Tiens, lui, il a des oreilles pointues, c'est qu'il vient d'une autre galaxie". Normal. Mais La*5 diffuse aussi Mission Impossible, avec le même Leonard Nimoy, dans une auricularité nettement moins turlututu. Hmm, il y a baleine sous gravier. Prise de conscience. Fin de l'innocence. Les extra-terrestres anthropomorphes ne passeront pas par moi. Sans le savoir, j'échappe alors à une destiné de neuneu agrippé à son PC, pour devenir, euh...

Bon, bref, tout ça pour dire que, la physique, pour moi, c'est ça, de la science-fiction sans les incohérences.




Einstein l'a montré. Son cul ? Non, que énergie et matière c'est bonnet blanc et blanc bonnet. Ca a l'air compliqué comme ça, ces histoires de bonnets, mais c'est la base de nos travaux. Convertir matière en énergie. Canaliser les flux. Au bout de deux ans, premiers résultats. Nous réussissons à transférer un "lingot" de 1mm3 de cuivre de la sphère 1 à la sphère 2, qui est quand même à deux mètres à droite.

Vous imaginez un peu le champ d'application colossal d'un tel procédé ? Tous ces trucs qu'on pourrait déplacer comme ça de deux mètres à droite ? On pourrait déplacer des taille-haies, des chaises, des fruits de mer !

Tout ceci finit par se savoir et nous voilà rattrapés par le secret défense. Petit à petit, l'armée prend le contrôle. Désormais, officiellement, "les travaux patinent". Oui, chef. La mode vire au kaki - dire que je sédimentarisais à la fac pour échapper au service. "Zone Interdite Au Personnel Non Autorisé". Même le livreur de Speed Rabbit ne peut plus rentrer. Pire, pour x raison, on nous coupe l'accès Internet au labo. Salauds.

Mais, de toute façon, on n'avait pas le choix. Les coûts devenaient rédhibitifs pour Paris XI. Oui, parce, c'est un peu le talon d'Achille du dispositif, son principe est simple, mais, bon, on consomme plus que Las Vegas à peine on fait chauffer mémé. Total, ce qui devait arriver arriva. Le centre est transféré près de la centrale nucléaire de Flamanville, dans la Manche. Logé à Muneville-le-Bingard, j'échappe à la mort sociale grâce aux collègues, Romain Hermann, alias "Blagman", thésard aussi, et Gérard Maurice, alias "Gérard Maurice", d'EDF, qui habitent pas loin.

Les machines se complexifient, les tests se diversifient et, rien à faire, la théorie tient le choc. Minéral ou organique, tout ce qui disparaît à gauche réapparaît à droite, tel le vote ouvrier giclant de Marchais à Le Pen. Ces résultats font beaucoup fantasmer. Des fonds supplémentaires nous sont alloués. Une méga-sulfateuse est assemblée. L'Homme sera le prochain téléporté.




16 juillet 2003. 01h30. Seul au labo. Je contemple la bête. En quelques semaines, on a réussi à transférer une souris, un hamster, un chimpanzé et une pintade. Tous en sont ressortis intacts. Les spécialistes le confirment. Reste à tester sur un humain. La machine est prête. Manque l'aval du ministère. Manque surtout un cobaye. Pas nous, les gradés nous l'interdisent formellement. En fait, apparemment, ils cherchent l'oiseau rare : le chômeur esseulé dépressif inconscient. Bon, c'est rigolo, mais si ils avaient voulu me dire "ton truc, là, qui transfère des pintades, c'est bien gentil, mais, sur des êtres humains, faut pas rêver", ils ne s'y seraient pas pris autrement. Ca, on ne peut pas dire que je sois étouffé par la reconnaissance. Là, à l'heure actuelle, je devrais aligner les Prix Nobel sur ma ch'minée, au lieu d'aligner les pizzas d'vant la télé. Dire que, r'in qu'avec un "coussin révolutionnaire", ch'passais au télé-achat... Putain... Mais, ça s'passera pas comme ça. J'vais pas attendre cinquante ans qu'i' m'ramènent le pire clodo pour que, derrière, j'en fasse le premier homme téléporté dans l'Histoire. Pas moyen. J'vais l'faire, moi, c'test.

Je programme l'engin, vide une dernière Olde English, puis pénètre dans la sphère 1, l'œil rivé sur la sphère 2. Le compte à rebours s'égrène. La tension monte. "It's a one quick step for me, but it is some giant step for the man", disait Hamstrong. Plus que dix secondes, dix secondes avant la délivrance. 6, 5, 4, 3...

"Bzzz..."

Comment ça, "bzzz" ?




B - Hmmâllo ?
Z - Blagman ? C'est Zorba.
B - Euh, mais... Mais c'est 3h du mat', putain. Qu'est-ce tu viens m'pourrir...
Z - J'l'ai fait.
B - Hein ? Quoi, avec Carine ?
Z - Mais non... J'me su' téléporté.
B - ...
Z - J'ai fait ça t't'à l'heure, là.
B - T'es sérieux ?
Z - On n'peut plus sérieux.
B - Eh, mais, t'es trop con. Qu'est-ce qui t'as pr... Ca a marché ? T'es OK ?
Z - Ouais. Ca va.
B - ...
Z - Mais, euh, j'vois qu'mon corps se transforme, des plaques visqueuses couvrent mon visage, des poils drus m'poussent à certains endroits...
B - ...
Z - Non, j'rigole, c'est juste l'acné.
B - Wâh, OK, super ta vanne. T'es fier ?
Z - Non, bon, sinon, i' faut qu'j'te dise un truc. Y'a eu un problème.
B - ...
Z - Avec moi, dans la sphère 1, y'avait une mouche.
B - Oh m...
Z - Et, y'avait pas d'mouche à l'arrivée, dans la sphère 2. J'l'ai, comment dire, "absorbée" pendant l'transfert.
B - Arrête.
Z - Mais, j'en ai pris aucune caractéristique, pas les ailes, pas les goggles, pas les pattes velues, rien...
B - ...
Z - Rien, sauf la couleur.
B - ...
Z - Je suis noir !




Voilà. Ca fait trois jours maintenant que je vis dans la peau de John Negrovitch. Personne n'est au courant, à part Blagman. Enfermé chez moi. Arrêt maladie. Dur. Tout de suite, j'ai essayé de me laver, mais ça reste. Bon, de toute façon, j'imagine que tous les noirs ont essayé avant moi... L'hypothèse de Blagman, c'est : "t'as p'têt' juste cramé, non ?". Bravo. S'il n'assurait pas ma subsistance alimentaire et morale en passant tous les soirs chez moi, j'oserais le qualifier de sot.

Z - T'avais oublié les œufs hier.
B - Ah ouais, putain, ch'savais qu'j'ou...
Z - Tout d'suite, pour faire une omelette, c'est moins facile. Bon, et p'i, finalement, j'ai kékra et ch'u allé faire des courses.
B - T'es sorti ?
Z - Ouais. Leclerc.
B - Alors, c'était comment ?
Z - Bah, plutôt carré, avec des gens, des chips.
B - ...
Z - Franchement, ch'faisais pas l'fier. Et p'i, attend, j'me suis fait pister par la sécurité !
B - Ah ouais ?
Z - Ouais. J'y croyais aps'. Ma première expérience avec le racisme. Alors que, putain, on vient tous d'Afrique, merde !
B - T'sais, ici, ils voient un noir par an, alors... Genre, là, en c'moment, de peur qu'tu r'viennes, ils sont en train d'mettre des antivols sur les bananes.
Z - Ch'te jure. Moi, jusqu'à présent, j'en r'tire pas grand chose de positif d'ma nouvelle couleur de peau. Style, j'me disais "ouais, comme ça, tu vas dunker sur Frédéric Weiss, tu s'ras cooooooool et tout". Bâh, bilan, zéro.
B - Ah ? Ch'ais pas. Vas-y, danse, un peu, pour voir.
Z - ...
B - Wâh, si t'y mets pas du t...
Z - Nan, ch'te dis, être noir, c'est pas l'bon plan. Y'a des trucs, j'me rendais pas compte avant. Genre, hier soir, à "Ca se discute", c'était "l'amour envers et contre tout", et alors y'avait une femme amoureuse d'un tôlard, tu vois, une amoureuse d'un grabataire, une d'un type en fauteuil roulant, une d'un paralytique et... Et une amoureuse d'un keubla ! Eh mais... Ils sont oufs ou quoi ?
B - Faut dire, t'es l'seul à avoir connu les deux, en fait.
Z - Clair.
B - Euh, quoique, non, à mon avis, t'es pas l'premier Grec à être passé du côté obscur.
Z - ...
B - Et, comment dire... T'as hérité d'toutes les caractéristiques physiques de l'homme noir ?
Z - Hmm ?
B - ...
Z - Allez, va chier...
B - ...
Z - T'façon, j'peux peux rester cloîtré comme ça chez moi éternellement.
B - Ouais.
Z - Va bien falloir qu'j'revois des gens, la famille...
B - A mon avis, là, tel quel, tu risques de casser l'ambiance au prochain repas d'Noël. Genre, ça va faire comme le r'pas chez Martin Lamotte dans "L'œil au beur noir".
Z - T'imagines, face à ma mère...
B - ...
Z - Et, tôt ou tard, faudra bien qu'j'retourne au labo aussi.
B - Indeed, Rachid.
Z - D'ailleurs, maintenant, après ça, ch'ais pas trop quelle tournure ça va prendre le programme.
B - Ch'crois qu'on va vraiment passer pour des diksa si on dit qu'not' premier résultat concret c'est d'avoir réussi à croiser un homme avec une mouche.
Z - Pff... Moi qui rêvait d'gloire médiatique et d'petits-fours.
B - ...
Z - Là, genre, dans l'film tiré d'mon existence, si ch'uis l'blackos de service, ça veut dire que j'me tape pas la blonde et que j'meurs avant la fin.
B - Hmhmm... A moi l'premier rôle, gros.
Z - Nan, t'façon, un noir bac+8, c'est pas crédible.
B - Wâh, t'sais, moi, d'puis qu'j'ai vu Russell Crowe en génie des maths, y'a plus grand chose qui m'étonne...
Z - J'ai pas l'choix. Faut qu'j'redevienne...
B - Oui, mais...
Z - ...
B - ...
Z - En fait, il faudrait que j'fasse l'opération inverse, que j'me téléporte avec un élément qui viendrait contrecarrer mon néo-africanisme, un concentré d'franchouillardise, l'essence même de la race blanche, c'qui nous rend spécifique, que personne peut nous prendre, qui fait not' grandeur, que tout l'monde nous envie, ce à quoi personne d'autre que nous n'ose s'essayer, c'qui nous est propre, ce qui nous personnifie...
B - Tu veux dire...
Z - Oui. La BX.
B - Tu veux fusionner avec une BX ? C'est Chocapic, non ? P'i, c'est pas un peu cont' nature ?
Z - Ouais, non, pas une BX entière. Déjà, ça rentrerait jamais dans la sphère.
B - Une compression d'BX ?
Z - Non. Plus p'tit. Plus emblématique, surtout. Une bavette !
B - Hein ?
Z - Une bête de bavette de BX 19TRD break sa mère, avec des catadioptres et marqué "Rallye" en bas.
B - ...
Z - Comme sur la BX de Gérard.
B - Ouais, ch'te vois v'nir, mais, non. Il est passé au Scénic, là.
Z - Ah, merde.
B - A mon avis, lui, en breaks, il a tout eu : Ford Taunus, 504, R18...
Z - Ouaich... Plus de breaks que James Brown.
B - Et, tu t'souviens quand on lui avait fait croire qu'Rocco Siffredi i' f'zait des rallye-raids.
Z - Cr cr cr... Quelle burne, quand même.
B - 'Pas êt' facile à trouver, hein, ton truc. A mon avis, c'serait plus simp' si tu t'transférais avec du Denivit.
Z - Pff...
B - ...
Z - Pourtant, avant, de tout chez moi émanait une profonde, euh, aryannité. Ma culture. Mon comportement. Mon look. Même quand j'lave mon linge, j'fais une lessive de blanc.
B - J'y pense, les noirs, c'est pas plutôt mi-homme, mi-singe ?
Z - Vas-y, arrête de dire des conneries... Et p'i t'endors pas sur Spliff Gadget.
B - ...
Z - C'est quand même sympa la locale, hein ?
B - Rexpekt !
Z - Tiens, cadeau : qu'est-ce qu'un bédo avec d'la purée à la place du tabac ?
B - Euh...
Z - Du haschisch parmentier.
B - Warf warf warf...
Z - ...
B - Tu sais c'qu'on va faire ? On va kidnapper Bruno Mégret et on va en faire un pire négro !
Z - Faudra trouver une mouche qu'accepte...
B - Et Michel Leeb, aussi !
Z - Yes.
B - Lui, après, la première fois qu'i' croise un black, pour la jouer scred', il lui f'rait : "ah, dis-donc, dis-donc, bouana, présentement".
Z - "Je suis le passant qui passe !"
B - ...
Z - Tu crois qu'on peut transformer Michel Blanc en Michel Noir ?
B - Ah ouais, trop rigolo, et Eric Blanc en Eric Noir !
Z - Mais non...
B - Non ?
Z - ...
B - C'est paskeu t'avais dit...
Z - Nan, bon, blague à part, ch'peux pas rester comme ça, moi.
B - ...
Z - Mais, franchement, j'vois pas trop c'que j'peux faire.
B - Euh...
Z - Là, déjà, j'évite toute exposition au soleil, mais ça m'a pas l'air... Remarque, Mandela, c'est pas les quelques années qu'il a passé à l'ombre qui l'ont rendu moins...
B - Et Patrick Dils, il était d'jà livide comme ça avant ?
Z - Patriiiiiick !
B - C'était Scottie Pippen avant, en fait.
Z - ...
B - Il faudrait t'téléporter avec une antimouche.
Z - Une quoi ?
B - Ou du papier tue-mouches ?
Z - ...
B - Je sais, avec une mouche blanche !
Z - Des fois, j'me d'mande si t'es pas un peu con.
B - Wôff... Putain, aucun humour, les noirs.
Z - On peut pas essayer d'êt' constructif cinq minutes, là ?
B - Euh...
Z - ...
B - Eh, "Zorba la mouche", ton lit est fait de quoi ?
Z - ...
B - Dans l'genre, t'aurais pu êt' "Laurence d'Arabie Jacob" aussi.
Z - ...
B - "Abdel et la bête".
Z - OK, Barnabo, stop, stop, c'est bon, ça va.
B - Toi, t'as les boules. T'as les boules, boules, boules.
Z - Ah, putain, si ch'pouvais remonter l'temps...
B - ...
Z - Ou r'monter à ch'val, au moins ?
B - Ou appeler Superman ? Hmm, à mon avis, là, en matière de super pouvoirs, tu t'es fait carotte. T'imagines, "à cet instant, Clark Kent s'précipite dans la cabine, et il ressort ...noir". Y'a d'quoi porter plainte.
Z - Ouais, tiens, par contre, aujourd'hui, j'ai vu un film, franchement, l'type, j'aimerais bien l'avoir son super pouvoir. Alors, tu vois, c'était genre, i' marche dans la rue, tranquille, et puis i' croise une fille, et puis il la nique. Ca, c'est bien fort comme super pouvoir.
B - Ah, ouais, ch'crois qu'j'l'ai d'jà vu comme film...
Z - ...
B - ...
Z - Pff... La vie d'moi, j'étais bien là, nourri, logé, blanchi...
B - Warf warf warf...
Z - Ah, bah, tiens, je sais, j'vais entamer l'même traitement qu'Michael Jackson. Bon, ch'ais pas si j'ai vraiment envie d'lui r'ssembler, mais, lui, ça a marché, quoi. Là, il est plus pâle qu'un magnétoscope.
B - Mais, euh, c'est quoi son traitement ?
Z - Ch'crois qu'c'est caisson à oxygène, scalpel et eau d'Javel. Matin, midi et soir. Tu m'étonnes qu'avec ça i' blanchisse plus qu'la trésorière du RPR !
B - Euh...
Z - Ouais, bon, OK, non. Mais je...
B - ...
Z - Ch'u dèg'.
B - ...
Z - Il faut tuer le noir qui m'habite.
B - ...
Z - Quoi, qu'est-ce que j'ai dit ?
B - Non, non...
Z - Bon, et, hmm...
B - ...
Z - Et comment on fait pour tuer les noirs ?
B - ...
Z - La chaise électrique !
B - ...
Z - Tandis que moi, Marc Bazorh, babtou, diplômé, contribuable docile, respectueux d'l'ordre publique et des pelouses, ch'peux pas être inquiété par la justice et encore moins par la chaise électrique.
B - Oh là...
Z - Pareil, Le Pen, quand il tenait les électrodes en Algérie, est-ce qu'il avait mal ? Non. Pourquoi ? Parce que, en tant qu'occidentaux, nous sommes génétiquement immunes.
B - ...ça part en thèse.
Z - Tiens, file moi la télécommande. J'vais essayer avec la pile.
B - ...
Z - Tu vois, ça s'est légèrement décoloré.
B - Ah ouais.
Z - Et j'ai rien senti.
B - Bah, évidemm...
Z - Ch'uis sûr qu'ça marche. Il faudrait juste appliquer la charge d'manière uniforme sur tout l'corps.
B - A la Claude François...
Z - Euh... Oui.
B - Nan, mais, j'déconnais.
Z - Ouais, mais, bon, c'est juste parce qu'il était resté trop longtemps. Là, on prend une batterie et les câbles, c'est toi qui plonge les pinces, tu m'mets la pression une seconde et, hop, j'ressors blafard. Facile.
B - ...
Z - Tout c'dont on a besoin, c'est d'une baignoire suffisamment grande pour que j'm'y immerge complètement.
B - Bah, y'a bien la piscine de Didier.
Z - Didier Rellez ?
B - Ouais, il est parti en vacances et i' m'a filé les clés d'son pav' pour qu'j'arrose son chat et qu'je nourrisse ses plantes, ou l'inverse, et y'a une piscine chez lui.
Z - T'as les clés d'chez Rellez ? Eh, mais, tu m'avais pas dit, ça, connard de blanc.
B - Ouais, mais, euh...
Z - Et, d'abord, qu'est-ce qu'i' fout avec une piscine en Normandie, lui ?
B - C'est vrai qu'c'est abusé. Mais, bon, t'façon, lui, il est tellement pété d'thunes que, juste pour jouer les décadents, il s'rait capable de prendre la clim' sur une motoneige.
Z - Ouais, bin... Voilà, quoi.
B - Hmm... Attend, ch'u pas sûr que c'soit l'genre de décisions à prendre les yeux plissés.
Z - C'est tout réfléchi.




Une heure plus tard, me voilà, moi, l'Einstein normand, à poil dans une piscine, en pleine nuit, à attendre de me faire électrocuter, le temps que Blagman se décide. Pour déplomber l'atmosphère, je lui lance quelques blagounettes. Le piège est grossier, mais "en tous cas, c'est la preuve qu'les noirs attirent les mouches" vient à bout de ses dernières réticences. Je plonge. Kzzzzzzzzzz. Je sors de l'eau.

Z - Ca a marché ! Ch'u blanc ! Ch'u blanc ! Comme avant ! Yessaï ! Ah, dans mes bras, mon frère !
B - Euh, mais... Si tu pouvais te... Te rhabiller d'abord.
Z - Wouh... Quelle aventure, putain !
B - Ouais, d'ailleurs, si on pouvait s'épargner ce genre de truc à l'avenir...
Z - La fin du cauchemar, gars.
B - ...
Z - Tout est bien qui finit bien.
B - ...
Z - Remarque, ç'aurait pu êt' pire. J'aurais pu m'transformer en arabe !
B - Ah, ah, ah !




ciELmAr©hEuR